L'essence du zen
- Jin Shin
- 26 sept. 2024
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 déc. 2024

Le zen a pour objet l’étude de l’esprit, esprit qui constitue assurément le centre de notre vie. La découverte de la nature véritable de l’esprit permet de mettre fin à nos souffrances.
L’esprit peut être défini comme le centre des perceptions sensorielles, des sensations, des formations mentales comme la colère ou la tendresse et des activités cognitives, conscientes et inconscientes. Nous attribuons généralement à l’esprit une identité, que nous appelons le « moi », y incluant parfois le corps.
Le zen s'attache à la déconstruction de ce moi et de tous les objets qui constituent le monde extérieur. déconstruction ne signifiant pas que le moi et le monde n’existent pas. Nous percevons, mangeons, pensons, aimons. Nier cela serait le nihilisme. Mais ces choses n’ont pas d’existence intrinsèque, elles n’existent qu’en interdépendance avec d’autres choses. La vacuité, le point central de la doctrine zen, enseigne que rien, absolument rien, n’existe de manière indépendante, ni le moi, ni l’autre, ni la conscience, ni le temps, ni l’espace, ni la vie, ni la mort, ni la vacuité elle-même.
La vacuité n’est pas une idée abstraite. Elle découle d’une analyse sur la nature de la réalité et du moi, s’appuyant sur la méditation et l’étude philosophique, menée par les maîtres bouddhistes depuis 2.500 ans.
Lors d’une expérience de vision par exemple, nous pensons qu’un sujet voit un objet, disons un arbre. Mais l’examen montre qu’il n’y a là qu’un ensemble de processus physiques, physiologiques et cognitifs que, par convention, nous décrivons comme « j’ai vu un arbre », établissant une vision dualiste, figée du monde.
Nous croyons au principe de causalité qui donne un sens à notre vie. Mais la causalité découle en partie de la confusion entre les évènements du passé, du présent et du futur. La relation de causalité dépend d’un choix subjectif des causes, des conditions et des effets, démentant l’existence d’une relation de cause à effet totalement objective et certaine. La mémoire est infidèle et sélective, le futur est incontrôlable. La réalité est plus proche de ce que nous appelons le moment présent, qui n’est pas un point imaginaire placé sur une ligne droite entre le passé et le futur, mais la manifestation imprévisible à chaque instant des potentialités sous-jacentes et présentes dans l’unité du monde. Le moment présent ressemble davantage à la manifestation unitaire d’une étendue spatiale et temporelle, comme lorsque nous sommes totalement absorbés dans une activité et que nous nous y livrons totalement sans chercher à atteindre un quelconque objectif.
Nous ne pouvons nous empêcher de chercher un sens à la vie et une fin à la souffrance. La recherche est basée sur la croyance que si nous faisons quelque chose, nous pourrons alors échapper à la souffrance. Cela est parfois vrai, mais une fois l’objectif atteint, nous cherchons en général un autre objectif : devenir encore plus riche, trouver l’amour éternel, échapper au chagrin ou à la corvée de l’aspirateur. La seule solution définitive est de réaliser la vacuité d'un « moi » qui s'épuise dans cette recherche.
Quelle est la nature de la relation entre la vacuité et le monde phénoménal? Ce sont deux aspects d’une seule réalité. Il n’y a pas deux réalités. Il n’y a pas de troisième réalité transcendant la vacuité et le monde phénoménal.
Le phénomène est ce que nous percevons, ce qui a une forme, physique ou mentale. La nature véritable de ce phénomène est la vacuité, l’interdépendance causale, conceptuelle et méréologique, l’absence d’ essence propre. L'esprit pensant ne peut percevoir que des formes, mais nous pouvons faire l’expérience de la vacuité, une expérience dont la nature est profondément différente de celle de nos expériences ordinaires. L’expérience de la vacuité, incompréhensible pour l’intellect, inclut simultanément la réalisation de l’identité du phénoménal et de la vacuité.
Faire l’expérience de la vacuité au-delà de la compréhension intellectuelle est difficile et prend du temps. Notre esprit a le réflexe de vouloir la réifier mais la vacuité n’est pas un objet. Notre esprit pensant ne peut concevoir la vacuité. L’image d’un réseau composé de nœuds et de liens entre les nœuds est une tentative de représentation de l’interdépendance, mais les nœuds et les liens ne sont pas existants intrinsèquement. La réalité conventionnelle, qui est imaginée, est une surimposition de notre esprit à la réalité ultime. On pourrait dire que l’expérience de la vacuité a lieu en dehors de la pensée et du temps, d’une manière indéfinissable, où chaque partie et le tout semblent se confondre. Les termes « expérience pure » et « conscience pure » sont parfois utilisés pour désigner une expérience de non-dualité, sans conscience réflexive ni narrative qui surimpose des histoires inventées à l’expérience pure . Le soi observateur, qui semble constamment présent à notre esprit, a lui-même disparu. À la question « qui est conscient de l’expérience? », la réponse est « c’est une autre expérience », c'est-à-dire un ensemble de processus physiques, physiologiques et cognitifs. L’expérience pure ne se limite pas aux perceptions sensorielles ; un acte de volition ou la compréhension soudaine d’un problème sont également des exemples d’expérience pure. Chaque moment est une opportunité de réaliser la vraie nature de la réalité. Dogen, le grand maître zen japonais qui vécut au 13ème siècle, écrivait "étudier la Voie c’est étudier le soi, étudier le soi c’est oublier le soi, c’est être attesté par les dix mille phénomènes".
L’expérience de la vacuité n’est pas une absence totale de phénomène, elle est consubstantielle à l’existence. La vacuité et la forme sont inséparables. C’est l’expression à chaque moment de la vacuité interdépendante qui constitue l’univers, la vie, la conscience. Un profond sentiment d’unité et d’amour universel en résulte. Il n’y a absolument rien d’autre à chercher, aucun autre sens métaphysique. L’univers simplement est, l’existence n’est pas séparée de son activité et de son sens.
Tout phénomène est impermanent même si cette idée est difficilement acceptable au début. Nous mourons et renaissons à chaque instant. Mais cette impermanence donne toute sa valeur à notre vie. Il n'y a pas de créateur à l'origine à toute chose, ni de point de référence absolu vers lequel nous puissions nous échapper, mais cette compréhension apporte la clarté et la liberté dans notre vie.
A l'empereur qui lui demandait "Qui es-tu ?", la patriarche Bodhidharma répondit "Je ne sais pas". La réalité ultime est toujours absente de notre perception, seule apparaît la réalité conventionnelle, la compréhension de cette vérité est la libération.
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